Taxonomie : décryptage du projet de règlement européen
Ce projet de règlement de la Commission Européenne pourrait impacter directement la petite hydroélectricité. Si, au regard de cette nouvelle taxonomie européenne, l’hydroélectricité n’était pas considérée comme une énergie durable, nous aurions de plus en plus de difficultés à obtenir les financements nécessaires au développement de projets et à la rénovation de l’existant.
La Commission Européenne a lancé en Mars 2018 son plan d’action intitulé « Financer la Croissance Durable», qui comprend 10 principales mesures. La première est la création d’une Taxonomie Européenne (« EU Taxonomy »), qui doit permettre d’encadrer le marché des produits financiers dits « verts » ou « durables ».
Le TEG (« Technical Expert Group »), groupe de travail mandaté par la Commission Européenne depuis juin 2018, a livré son Rapport Final sur la Taxonomie Européenne le 9 mars 2020. Cette Taxonomie est la base sur laquelle s’appuieront les futures réglementations sur l’investissement durable, ainsi que le nouveau label vert européen.
Selon Headlink Partners, la Taxonomie Européenne est un outil de classification qui fournit à tous les acteurs financiers une compréhension commune de ce qui est doit être considéré comme une activité « verte » ou
« durable ». Elle doit aider les investisseurs, entreprises, émetteurs et promoteurs de projets à orienter leurs investissements dans des activités économiques respectueuses de l’environnement. L’objectif est donc double : éviter le « Green Washing », c’est-à-dire s’assurer que ce qui est communiqué par les distributeurs de produits verts reflète bien la réalité, et permettre une comparabilité des instruments financiers durables.
Concrètement, la Taxonomie Européenne définit une liste d’activités économiques ainsi que des seuils de performance qui mesurent la contribution de ces activités à 6 objectifs environnementaux.
Source : Headlink Partners
Quelles sont les règles de classification de la Taxonomie ?
Une activité donnée peut être éligible à la Taxonomie pour 3 raisons :
- elle est déjà à faible intensité carbone,
- elle contribue à la transition vers une économie zéro émission nette d’ici 2050,
- ou encore elle permet à d’autres activités de réduire leurs émissions de CO2 .
Dans tous les cas, l’activité d’une entreprise sera conforme à la Taxonomie si elle respecte simultanément les 3 conditions suivantes :
- L’activité doit contribuer substantiellement à l’un des 6 objectifs environnementaux, c’est-à-dire respecter des critères de performance précis et fondés sur des études scientifiques.
- L’activité ne doit pas nuire significativement à l’un des autres objectifs environnementaux. Pour cela, il faudra respecter des critères de performance établis, ou se conformer à des normes et réglementations déjà en vigueur.
- Enfin, l’entreprise en question doit respecter les garanties sociales minimales, notamment les conventions de l’Organisation Internationale du Travail.
Chaque entreprise dont le domaine d’activité est inclus dans le champ d’application de la réglementation devra donc calculer le pourcentage d’alignement à la Taxonomie de ses revenus, CAPEX ou OPEX, selon ce qui est le plus pertinent.
Ainsi, une entreprise du domaine des énergies renouvelables n’aura pas nécessairement un pourcentage d’alignement de 100%. Son activité ne sera alors pas totalement considérée comme «verte».
La Taxonomie concerne directement trois types d’acteurs :
- Les grandes entreprises basées dans l’UE, qui seront tenues de publier des informations sur leur niveau de conformité à la Taxonomie.
- L’UE et les États membres, qui devront prendre en compte la Taxonomie lors de la mise en œuvre des futures normes, notamment concernant les labels pour les produits financiers verts ainsi que les « Green Bonds ».
- Les acteurs des marchés financiers offrant des produits financiers verts dans l’UE, y compris les prestataires de retraite professionnelle.
Ces derniers seront, dès l’entrée en vigueur de la réglementation sur la Taxonomie, dans l’obligation de publier des informations précises concernant leurs produits d’investissement qualifiés de « durables » ou « verts ».
L'hydroélectricité non "durable" selon les règles de la taxonomie
Le rapport final du groupe d’experts techniques sur la finance durable («TEG-Report») publié en mars 2020 classait l’hydroélectricité comme une activité de transition et non comme une activité durable, notamment au regard de ses émissions de CO2.
Pourtant, selon les conclusions de l’Association internationale de l’hydroélectricité (IHA) de 2018, l’hydroélectricité produit des émissions moyennes sur le cycle de vie d’environ 18 g d’équivalent CO2 / kWh. En comparaison, l’éolien (offshore) et le solaire photovoltaïque (à l’échelle des services publics) émettent respectivement en moyenne 12 g de CO2 -eq / kWh et 48 g CO2-eq / kWh toujours selon l’IHA.
L’hydroélectricité, comme l’éolien et le solaire, se classe donc parmi les technologies de production d’électricité les plus performantes en ce qui concerne les émissions du cycle de vie. Cette proposition du groupe d’experts est donc difficile à comprendre.
Eurelectric mais aussi un groupe de députés du Parlement européen ont demandé à la Commission européenne que l’hydroélectricité soit traitée sur un pied d’égalité avec l’éolien et le solaire.
Cette taxonomie impactera directement la petite hydro. En tant que critère de durabilité environnemental des investissements, si nous n’étions pas considérés comme une énergie durable, nous aurions de plus en plus de difficultés à obtenir les financements nécessaires au développement de projets et à la rénovation de l’existant.